M'sieurs-dames, la visite n'est pas terminée...
Allons au jardin. Avant d'y arriver, regardons autour de nos bâtiments, remarquons nos treilles et rosiers le long des murs et voyons aussi nos trèfles blanc et roses pour en pomper l'humidité. Les "passeroses" aux multiples couleurs, les "quirits" café au lait, le thlaspi, poussent à profusion, une graine en a fait mille.
Nous sommes au jardin maintenant, à l'intérieur de son petit mur de pierre sèche et qu'on enjambe facilement. Ici, pas de "patates", ni de carottes, mais toutes les plantes médicinales et odoriférantes que conservaient pieusement nos grand-mères pour soigner les "chrétiens" (les humains) et les bêtes. Ce jardinet est à lui sul un musée aussi, si l'on peut dire, car toutes les plantes qui sont là sont disparues ou disparaissent les unes après les autres. Elles faisaient partie autrefois de la "collection" indispensable à chaque ménage pour soigner ceux qui vivaient sous ces toits avec l'aide du "médecin des pauvres" (le livre de chevet de toutes les bonnes ménagères d'autrefois. Il y en avait un dans chaque maison et on y lisait très souvent (quand on savait lire)) que conservait chaque famille.
Depuis le "baslit" (basilic. Il y avait dans chaque maison, sur le pas de la porte ou sur la fenêtre, le pot de basilic traditionnel. Il n'était cultivé chez nous que pour son odeur) dans son pot qui ira sur la fenêtre jusqu'à la "chardonnette" (artichaut sauvage dont les fleurs séchées seront utilisées pour faire cailler le lait) des marais qui servira à faire les "caillebottes"(lait caillé par l'action de la Chardonnette ayant, du fait, acquis un goût particulier, très apprécié des Oléronais. Se mangeait surtout pendant les chaleurs pour rafraîchir), tout est là :
- Les indispensables pour la cuisine thym, persil, qui accompagneront les feuilles de laurier dans la cuisson des "chancres" et tous ces coquillages qui à eux seuls sont les trois quarts de la nourriture oléronaise, le romarin et le fenouil pour la conservation des jambons et la "cuisine du cochon".
- Pour la préparation des tisanes, que ce soit pour infusion, décoctions, ou même pour être employées en applications, la menthe, le "thé vert", la camomille, la bourrache, la citronnelle. Plusieurs autres plantes sont là aussi, les unes dont nous ignorons le nom et la façon de les employer, mais sur lesquelles nous allons chercher des renseignements, qui sont là parce que nous les avons retrouvées et les connaissions pour les avoir vues, souvent... : un gros pavot à capsules et à fleurs rosés aux longues feuilles d'un blanc laiteux ; une touffe de géranium rosat aux fleurs miniscules ; un pied de vervignier pour soigner les coliques ; une touffe de mauves géantes aux feuilles larges comme deux mains ; et une "blonde" grande plante de deux mètres de haut dont la hampe rigide est garnie d'une multitude de petites fleurs jaunes ; et plusieurs bulbes de lys, ce beau lys blanc dont les pétales macérées dans l'eau de vie guériront les plaies infectées.
Nous avons disposé le long de la muraille du côté de l'ombre, parce que c'est leur emplacement préféré, la chélidoine on "grand éclair", dont le suc guérit les verrues ; la "perce-pierre" des herbes de Saint-Jean pour soigner les maladies des voies respiratoires ; et du côté le plus ensoleillé, nous avons repiqué les œillets maritimes qui autrefois poussaient dans le plein soleil et la sécheresse de nos dunes (et qui en sont aujourd'hui disparus) ; la lavande dont les fleurs iront embaumer le linge des armoires ; des pieds-d'alouette ; des pois fleurs ; du souci ; dans un coin plus frais, des "clochettes" bleues, des primevères, des gueules de lion, des belles-de-nuit, un pied d'acanthe, des iris, des pervenches, un pied de "chagrin" entre deux pierres.
Nous conservons là aussi quelques "raretés" q'affectionnent particulièrement le sable de nos dunes : un grand pavot qui fleurit jaune et qui se reproduit lui à l'aide d'une silique, des giroflées mauves à feuilles charnues.
De plus nous avons dans ce jardin, les quelque arbres qui sont essentiels, croirait-on, car ils sont les plu affectionés dans notre île : les figuiers qui s'y retrouven dans toute leur splendeur, figues d'été de la St-Jean vertes ou violettes, rondes ou allongées, figues de. "vendanges" dites blanches ou les plus communes les violettes, figues à confiture ou pour manger crues.
Isolé, le sureau, pour soigner, et courant sur le: murailles, encore quelques treilles ; des plants à conserver car quasiment disparus tels "chauché gris", "dattiers", madeleines" ou "othello".
Il va falloir de l'eau pour tout arroser dans notre jardin de sable et c'est pourquoi nous construisons un puit, et nous le bâtissons de pierres sèches comme autrefois, sans avoir recours aux buses de ciment. Près de lui nous disposons les grandes auges de pierre, les "timbres" disait-on ici, dans lesquels boiront nos bêtes avant d'entrer ou en sortant de l'écurie.
Comme tout bon pésan, François a voulu "se renfermer", se mettre "chez lui", et c'est pourquoi nous avons mis encore cent mètres cubes de pierre dans la muraille qui entoure la "Maison Paysanne Oléronaise" et ses dépendances. C'est une belle clôture il est vrai, mais encore insuffisantesans doute puisque notre homme a trouvé utile de planter à l'extérieur un rang d'aroches de mer, arbrisseau épineux aux petites feuilles persistantes d'un blanc laiteux, et un rang de tamaris pour clore le tout. Décidément, "on" sera bien chez soi !!.
Que de travail !! Nous avons beaucoup peiné depuis quelques années, beaucoup peiné pour accumuler les millions nécessaires à ces constructions. Il n'y a pas de riches dans ce groupe folklorique, que des pauvres. Dans l'île, pas de mécène non plus.
Les subventions que nous recevons, autant ne pas en parler. Elles nous paient deux à trois costumes par an. C'est pourquoi, malgré les conseils qui nous sont donnés de ne pas trop "renifler" du côté de l'argent, il a bien fallu se débrouiller à "en faire", quand même si nous voulions que nos enfants, nos petits enfants et ceux des touristes connaissent l'histoire des paysans oléronais.
Nous trouverons dans notre musée tout ce qui concerne l'île, la vie de ses habitants au travers des siècles d'après les différents auteurs et on y consultera les copies d'archives et les documents que nous avons écrits pour pallier aux informations qui manquaient sur la façon de vivre de nos aïeux dans les siècles passés.
Le visiteur saura, avec tous les détails qui conviennent, le nom répertorié de tous les ustensiles, matériels, plantes de jardin, etc... entreposés ou recueillis dans l'enceinte de notre propriété. Il trouvera là, documentation nécesaire sur le pourquoi de notre "paillé" de paille et de foin, sur sa construction, comment on fabriquait les "cordes" d'herbe sèche pour le maintenir. Il saura pourquoi l'on y a réservé dans un coin le "creux de balles" (endroit réservé,en général, sous un bout du paillé, pour y entasser les balles (enveloppe du grain dans l'épi) conservées pour faire manger l'hiver en mélange avec betteraves ou autres verdures) et en connaîtra l'utilisation. Il saura que la journée où l'on "faisait le paillé", celle où l'on faisait la "pile de trousses" (tas de fagots de sarments de vigne), de même que la journée de l'année où l'on vidait l'écurie de son fumier, la fin des battages, la fin des vendanges, étaient jours de fête et en aura la description.
Le 6 juillet 1978, Monsieur Jean FAVIER Directeur général des Archives de France, représentant le Ministre de la Culture, ainsi que Monsieur Robert TREMPE, délégué culturel représentant le gouvernement québecquois, et 80 personnes du Comité International d'historiens et géographes de langue française, visitèrent notre chantier lors d'une manifestation organisée dans la cour de notre ferme. Mais l'inauguration de notre "Maison paysanne Oléronaise" restera à nos amis du Folklore. Quand ? en 1981 ? en 1982 ?
Ce sera lorsque nous serons fin prêts. Cette journée-là, en juin, certainement si nous pouvons réunir quelques uns des dirigeants de notre Confédération et quelques groupes des 4 coins de la France, nous ferons une bonne journée de fête. On mangera bien, on boira bien, on chantera et on dansera. Mais... faudra encore des sous...!!!
Maintenant, puisque nous arrivons sur la fin, je voudrais m'excuser auprès des lecteurs de cet article, car j'ai emprunté beaucoup de mots à notre patois. J'ai pensé que ce ne serait pas mauvais, dans Folklore de France, de se retremper au cours de ces quelques lignes, dans notre atmosphère du passé, dans ce langage qui était le nôtre et qui était aussi celui d'une grande partie de nos provinces françaises. Ce parler est issu du vieux français. Partant du langage vernaculaire de tous ceux qui n'étaient pas Bretons, Basques de langue provençale ou dérivés, il est facile de s'y reconnaître au travers de notre parlé saintongeais. Tous les Poitevins, Berrichons, Bretons au parler "gallo", Normands, Picards, ceux du Nord, de l'Est, et j'en saute, tous ceux de la langue d'oïl liront ces lignes sans fatigue.
André BOTINEAU
Président du Groupe Folklorique "Les DÉJHOUQUÉS" lorsqu'il écrivit ce texte.